L'élève a dépassé le maître,
Maman,
Te souviens tu, avoir pendant trente ans été une femme battue ? Te rappelles tu que j'étais là et que tu m'as rapporté ce que je n'ai pas pu voir.
Je t'ai vu avec les yeux noirs et enflés, je t'ai vu avec les lèvres ouvertes ou tuméfiées, je t'ai entendu mille fois le supplier de ne pas te frapper. Tu t'en es plainte a qui voulait l'entendre, sans jamais parler de ce que nous, tes enfants, subissions.
Tu avais les larmes aux yeux lorsque tu me confiais qu'après la naissance de mon frère, tu es de nouveau tombée enceinte. Tu as fais appel à une "faiseuse d'anges", ou une fausse couche, je ne sais plus. Comme souvent dans ces cas là, tu as fais un hémorragie et t'es retrouvée à l'hôpital. Tu me disais que chaque soir, il venait te voir, approchait son visage du tien pour te dire :
"T'es encore là ? Mais quand vas tu crever, salope, je voudrais que tu crèves !" Et tu pleurais en minaudant que tu ne comprenais pas pourquoi il te faisait cela.
Tu m'a aussi parlé de ses maîtresses, tu avais même trouvé une lettre. Tu ne comprenais pas non plus. Alors quand je t'ai demandé pourquoi tu ne partais pas, pourquoi tu ne nous sortais pas de là, tu m'as rétorqué qu'il ne nous laisserais jamais avec toi et que nous devrions vivre avec lui. Forcément, je te croyais, je n'étais qune petite fille. Alors, je priais pour que tu ne partes pas sans nous.
Depuis une dizaine d'années, tu n'as eu de cesse de minimiser ses actes, de lui trouver des circonstances atténuantes. Il ne te frappais plus mais n'en restait pas moins odieux avec tous. Ce revirement subit m'avait déjà éloigné de toi.
Depuis deux ans, c'est toi qui mène la barque et il se laisse voguer. Tu diriges, décides, exécutes.
Il ne doit dormir que d'un oeil, car, c'est certain, désormais l'élève a dépassé le maître...